Les valeurs patrimoniales de l’architecture du xxe siècle, qu’elles soient d’ordre culturel, social ou technique, restent relativement complexes à apprécier et donc à partager, par manque de recul et de connaissance. La production architecturale et urbaine de la seconde moitié du xxe siècle a été particulièrement prolifique, parfois remarquable voire exceptionnelle. La transition énergétique, écologique, l’évolution des usages et des modes de vie conduisent à la transformation progressive de ce bâti arrivé à la fin d’un cycle de vie.
Aujourd’hui, nombre de pays à l’économie post-industrielle, sont confrontés à l’enjeu de faire évoluer ces édifices et quartiers afin de répondre à la demande sociale croissante, sans pour autant remettre en cause leur intérêt et leur qualités architecturales originelles.
Depuis les années 1990-2000, un mouvement de patrimonialisation se développe, qui ouvre de nombreuses questions relatives à l'évolution possible et souhaitable de ces réalisations. Il a été impulsé notamment suite à la recommandation du Conseil de l’Europe de 1991 n° R (91)13 qui incitait les États membres à mettre en œuvre des stratégies d’identification, d’étude, de protection, de restauration et de sensibilisation visant l’architecture du xxe siècle. Cette patrimonialisation trouve son expression à travers la création de divers dispositifs de reconnaissance - labels, prix ou distinctions tant au niveau international, que national, régional et local.
- 1 . Dans ce cadre, le programme de recherche pluriannuel incitatif (2016-2020) « Architecture du xxe (...)
En France, le ministère de la Culture a créé le label « Patrimoine du xxe siècle » (1999) devenu le label « Architecture contemporaine remarquable » (« ACR ») (2016, loi LCAP). La Stratégie nationale pour l’architecture (2015) et la Stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine (2017), au titre de la politique de l’architecture du ministère de la Culture, ont favorisé l’impulsion de nombreuses actions en faveur de la sensibilisation, la connaissance, la valorisation et la transformation qualitative de ce bâti du xxe siècle 1.
Ce numéro de la revue In Situ vise à prendre un recul critique européen ou international sur la reconnaissance de l’architecture du xxe siècle et à mettre en exergue des pratiques et des exemples de dispositifs, de politiques ou de projets, riches d’enseignements. Il vise ainsi à procéder à un état des lieux scientifique international sur :
Les doctrines et postures adoptées, selon les pays et les acteurs, en termes d’appréciation des valeurs patrimoniales de l’architecture de la seconde moitié du xxe siècle et de ses capacités d’évolution. Des considérations historiques, culturelles, sociales, politiques pourront être prises en compte. Des observations critiques sont attendues sur le rôle et les positionnements, politique et scientifique, d’acteurs ou de structures (privés, publics ou parapublics) contribuant à signaler, diffuser des connaissances, exercer un rôle d’alerte, de conseil et accompagner les processus de projet.
Les politiques et dispositifs de protection, de reconnaissance et de sensibilisation concernant des bâtiments et espaces publics du xxe siècle aujourd’hui dont les labels, prix (réhabilitation, rénovation urbaine…), signalements… Les suites données à la recommandation du Conseil de l’Europe de 1991, en termes de politiques publiques, à l’instar en France des labels « Patrimoine du xxe siècle » puis « ACR » pourront être interrogées. De même la réception par les habitants et usagers, de telles marques de reconnaissance au regard des outils et medium culturels mobilisés (films, expositions…) ainsi que l’implication citoyenne dans ces problématiques.
Les pratiques en termes d’intervention sur ce patrimoine : restauration, transformation… Comment les politiques publiques (règlementations, normes, incitations…) s’articulent-elles et influencent ces interventions ? Quelles pratiques en découlent ? Quels aspects sont bloquants ou posent question ? Des exemples de projets seront les bienvenus pour illustrer ces problématiques, et les différentes attitudes adoptées en réponse par les acteurs impliqués (maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre notamment).
Sujets particuliers susceptibles d’être considérés
Les relations entre dispositifs de reconnaissance de l’architecture du xxe siècle / politiques publiques de rénovation / pratiques opérationnelles ;
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L’apport des connaissances scientifiques et des chercheurs, d’une part aux politiques de reconnaissance de l’architecture du xxe siècle et, d’autre part, aux débats publics liés à des projets sensibles architecturaux et urbains de transformation ;
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Les financements publics et privés alloués aux actions et politiques de reconnaissance des valeurs de l’architecture du xxe siècle ;
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La place des innovations techniques récentes dans l’évolution de l’architecture du xxe siècle (adaptation énergétique, questions relatives aux matériaux et aux risques…).
Des éclairages sur les pratiques d’autres pays européens étant attendus, des articles comparatifs ou ciblés sur certains pays sont recherchés.
Des propositions émanant de binômes chercheurs/acteurs privés ou publics seront particulièrement appréciées.
Des cas d’études sont attendus et des illustrations sont souhaitées.